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le chevalier.

Des concessions ! des concessions ! c’est comme cela qu’on perd le goût. Je donnerais tous les vers romantiques seulement pour ce quatrain :

De par le Pinde et par Cythère,
Gentil-Bernard est averti
Que l’Art d’Aimer doit samedi
Venir souper chez l’Art de Plaire.

Voilà la vraie poésie ! L’Art d’aimer qui soupe samedi chez l’Art de Plaire ! à la bonne heure ! Mais aujourd’hui c’est la mandore, le ménestrel. On ne fait plus de poésies fugitives. Si j’étais poëte, je ferais des poésies fugitives ; mais je ne suis pas poëte, moi.

le poëte élégiaque.

Cependant, les élégies…

le chevalier.

Poésies fugitives, monsieur. (Bas à Mme de Blinval : ) Et puis, châtel n’est pas français ; on dit castel.

quelqu’un, au poëte élégiaque.

Une observation, monsieur. Vous dites l’antique châtel, pourquoi pas le gothique ?

le poëte élégiaque.

Gothique ne se dit pas en vers.

le quelqu’un.

Ah ! c’est différent.

le poëte élégiaque, poursuivant.

Voyez-vous bien, monsieur, il faut se borner. Je ne suis pas de ceux qui veulent désorganiser le vers français, et nous ramener à l’époque des Ronsard et des Brébeuf. Je suis romantique, mais modéré. C’est comme pour les émotions. Je les veux douces, rêveuses, mélancoliques, mais jamais de sang, jamais d’horreurs. Voiler les catastrophes. Je sais qu’il y a des gens, des fous, des imaginations en délire qui… Tenez, mesdames, avez-vous lu le nouveau roman ?

les dames.

Quel roman ?

le poëte élégiaque.

Le Dernier Jour