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IV

BENVOLIO.
Où diable ce Roméo peut-il être ? il n’est pas rentré chez lui cette nuit.
MERCUTIO.
Il n’est pas rentré chez son père ; j’ai parlé à son domestique.
Shakespeare, Roméo et Juliette.


Cependant un homme et deux chevaux étaient entrés dans la cour du palais du gouverneur de Drontheim. Le cavalier avait quitté la selle en hochant la tête d’un air mécontent ; il se préparait à conduire les deux montures à l’écurie, lorsqu’il se sentit saisir brusquement le bras, et une voix lui cria :

— Comment ! vous voilà seul, Poël ! Et votre maître ? où est votre maître ?

C’était le vieux général Levin de Knud, qui, de sa fenêtre, ayant vu le domestique du jeune homme et la selle vide, était descendu précipitamment et fixait sur le valet un regard plus inquiet encore que sa question.

— Excellence, dit Poël en s’inclinant profondément, mon maître n’est plus à Drontheim.

— Quoi ! il y était donc ? il est reparti sans voir son général, sans embrasser son vieil ami ! et depuis quand ?

— Il est arrivé ce soir et reparti ce soir.

— Ce soir ! ce soir ! mais où donc s’est-il arrêté ? où est-il allé ?

— Il a descendu au Spladgest, et s’est embarqué pour Munckholm.

— Ah ! je le croyais aux antipodes. Mais que va-t-il faire à ce château ? qu’allait-il faire au Spladgest ? Voilà bien mon chevalier errant ! C’est aussi un peu ma faute, pourquoi l’ai-je élevé ainsi ? J’ai voulu qu’il fût libre en dépit de son rang.

— Aussi n’est-il point esclave des étiquettes, dit Poël.

— Non, mais il l’est de ses caprices. Allons, il va sans doute revenir. Songez à vous rafraîchir, Poël. — Dites-moi, et le visage du général prit une expression de sollicitude, dites-moi, Poël, avez-vous beaucoup couru à droite et à gauche ?

— Mon général, nous sommes venus en droite ligne de Bergen. Mon maître était triste.