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exprimait Lamartine dans une lettre datée de Saint-Point, le 8 juin 1823 :

Nous relisons vos ravissantes poésies et votre terrible Han. Soit dit en passant, je le trouve aussi trop terrible. Adoucissez votre palette ; l’imagination comme la lyre doit caresser l’esprit ; vous frappez trop fort : je vous dis ce mot pour l’avenir, car vous en avez un et je n’en ai plus.


II

REVUE DE LA CRITIQUE.


Nous nous sommes livrés aux plus longues et aux plus consciencieuses recherches dans les journaux de l’époque, et nous avons été insuffisamment récompensés de tant d’efforts obstinés. Peut-être découvrirait-on les motifs de cette réserve des journaux dans les dernières lignes de la préface d’avril 1823 ; Victor Hugo la terminait « lorsque son libraire, au moment d’envoyer l’ouvrage aux journaux, est venu lui demander pour eux quelques petits articles de complaisance sur son propre ouvrage, ajoutant, pour dissiper tous les scrupules de l’auteur, que son écriture ne serait pas compromise, et qu’il les recopierait lui-même. Ce dernier trait lui a semblé touchant. Comme il paraît qu’en ce siècle tout lumineux, chacun se fait un devoir d’éclairer son prochain sur ses qualités et perfections personnelles, chose dont nul n’est mieux instruit que leur propriétaire ; comme, d’ailleurs, cette dernière tentation est assez forte, l’auteur croit, dans le cas où il y succomberait, devoir prévenir le public de ne jamais croire qu’à demi tout ce que les journaux lui diront de son ouvrage. »

Victor Hugo, jeune, ardent, croyait que la publicité ne devait pas plus être sollicitée que la critique. Mais grâce à ce désintéressement, et surtout à son désir de garder l’anonyme, il n’est pas surprenant que les journaux aient été avares de commentaires.

Le Réveil.

Voici une composition nouvelle, visiblement empreinte du génie original de sir Walter Scott, et que sans doute ne désavouerait pas ce romancier célèbre. Si un intérêt prodigieux, des scènes et des situations neuves et originales, des effets heureusement combinés, un tableau fidèle des mœurs et des lieux sont les qualités d’un genre littéraire moins frivole qu’on ne pense, nous osons affirmer que ce nouveau roman mérite entre tous une situation particulière. Nous ne doutons pas que beaucoup ne le placent tout à côté des œuvres de l’honorable baronnet anglais, et peut-être au-dessus.

Le sombre et le terrible dominent dans ce drame, et l’auteur, qui s’est plu à s’envelopper d’un voile impénétrable, n’en est peut-être pas le moins mystérieux personnage.

Le temps nous révélera sans doute ce secret ; en attendant, la renommée proclame déjà le nom d’un de nos plus jeunes poètes les plus distingués.

Nous avons cherché quelque article très hostile et très violent, ce qui est un éloge pour un jeune homme qui débute dans les lettres et qui n’a guère l’espoir d’attirer l’attention sur lui. Car malgré l’anonymat, on se doutait bien que Han d’Islande était de Victor Hugo. Nous avons découvert dans le Mercure du dix-neuvième siècle de grossières banalités qui n’ont qu’une parenté très éloignée avec la critique. Tirons-les de l’oubli, à titre de curiosité, malgré le