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savoir faisons — qu’ayant rétabli, sur la proposition de notre grand-chancelier, comte de Griffenfeld (la voix du président passa si rapidement sur ce nom qu’on l’entendit à peine), l’ordre royal de Dannebrog, fondé par notre illustre aïeul saint Waldemar,

« Sur ce que nous avons considéré que cet ordre vénérable ayant été créé en souvenir de l’étendard Danebrog, envoyé du ciel à notre royaume béni,

« Ce serait mentir à la divine institution de l’ordre si quelqu’un des chevaliers pouvait impunément forfaire à l’honneur et aux saintes lois de l’église et de l’état,

« Nous ordonnons, à genoux devant Dieu, que quiconque, parmi les chevaliers de l’ordre, aura livré son âme au démon par quelque félonie ou trahison, après avoir été blâmé publiquement par un juge, sera à jamais dégradé du rang de chevalier de notre royal ordre de Danebrog. »

Le président referma le livre.

— Ordener Guldenlew, baron de Thorvick, chevalier de Danebrog, vous vous êtes rendu coupable de haute trahison, crime pour lequel votre tête va être tranchée, votre corps brûlé, et votre cendre jetée au vent. — Ordener Guldenlew, traître, vous vous êtes rendu indigne de prendre rang parmi les chevaliers de Danebrog. Je vous invite à vous humilier, car je vais vous dégrader publiquement au nom du roi.

Le président étendit la main sur le livre de l’ordre, et s’apprêtait à prononcer la formule fatale sur Ordener, calme et immobile, lorsqu’une porte latérale s’ouvrit à droite du tribunal. Un huissier ecclésiastique parut, annonçant sa révérence l’évêque de Drontheimhus.

C’était lui en effet. Il entra précipitamment dans la salle, accompagné d’un autre ecclésiastique qui le soutenait.

— Arrêtez ! seigneur président, cria-t-il avec une force qui semblait n’être plus de son âge ; arrêtez ! — Le ciel soit béni ! j’arrive à temps.

L’assemblée redoubla d’attention, prévoyant quelque nouvel événement.

Le président se tourna vers l’évêque avec humeur :

— Votre révérence me permettra de lui faire remarquer, que sa présence est inutile ici. Le tribunal va dégrader le condamné, qui touche au moment de subir sa peine.

— Gardez-vous, dit l’évêque, de toucher à celui qui est pur devant le Seigneur. Ce condamné est innocent.

Rien ne peut se comparer au cri d’étonnement qui retentit dans l’auditoire, si ce n’est le cri d’épouvante que poussèrent le président et le secrétaire intime.

— Oui, tremblez, juges, poursuivit l’évêque avant que le président eût