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bouche souriait. Elle était belle comme un ange qui remonte de l’enfer au ciel.

— Écoutez, mon Ordener, votre échafaud ne s’élèvera pas. Pour que vous viviez, il suffit que vous promettiez d’épouser Ulrique d’Ahlefeld.

— Ulrique d’Ahlefeld ! ce nom dans ta bouche, mon Éthel !

— Ne m’interrompez pas, poursuivit-elle avec le calme d’une martyre qui subit sa dernière torture ; je viens ici envoyée par la comtesse d’Ahlefeld. On vous promet d’obtenir votre grâce du roi, si l’on obtient en échange votre main pour la fille du grand-chancelier. Je viens ici vous demander le serment d’épouser Ulrique et de vivre pour elle. On m’a choisie pour messagère, parce qu’on a pensé que ma voix aurait quelque puissance sur vous.

— Éthel, dit le condamné d’une voix glacée, adieu ; en sortant de ce cachot, dites qu’on fasse venir le bourreau.

Elle se leva, resta un moment devant lui debout, pâle et tremblante ; puis ses genoux fléchirent, elle tomba à genoux sur la pierre en joignant les mains.

— Que lui ai-je fait ? murmura-t-elle d’une voix éteinte.

Ordener, muet, fixait son regard sur la pierre.

— Seigneur, dit-elle, se traînant à genoux jusqu’à lui, vous ne me répondez pas ? Vous ne voulez donc plus me parler ? Il ne me reste plus qu’à mourir.

Une larme roula dans les yeux du jeune homme.

— Éthel, vous ne m’aimez plus.

— Ô Dieu ! s’écria la pauvre jeune fille, serrant dans ses bras les genoux du prisonnier, je ne l’aime plus ! Tu dis que je ne t’aime plus, mon Ordener. Est-il bien vrai que tu as pu dire cela ?

— Vous ne m’aimez plus, puisque vous me méprisez.

Il se repentit à l’instant même d’avoir prononcé cette parole cruelle ; car l’accent d’Éthel fut déchirant, quand elle jeta ses bras adorés autour de son cou, en criant d’une voix étouffée par les larmes :

— Pardonne-moi, mon bien-aimé Ordener, pardonne-moi comme je te pardonne. Moi ! te mépriser, grand Dieu ! n’es-tu pas mon bien, mon orgueil, mon idolâtrie ? — Dis-moi, est-ce qu’il y avait dans mes paroles autre chose qu’un profond amour, qu’une brûlante admiration pour toi ? Hélas ! ton langage sévère m’a fait bien du mal, quand je venais pour te sauver, mon Ordener adoré, en immolant tout mon être au tien.

— Eh bien, répondit le jeune homme radouci en essuyant les pleurs d’Éthel avec des baisers, n’était-ce pas me montrer peu d’estime que de me proposer de racheter ma vie par l’abandon de mon Éthel, par un lâche oubli