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regards où se peignait une assurance stupide ; Jonas et Kennybol, les mains jointes, priaient à voix basse, tandis que leur camarade Norbith frappait par intervalles la terre du pied, ou secouait ses chaînes avec des tressaillements convulsifs. Entre lui et le vénérable évêque, qui lisait les psaumes de la pénitence, se tenait Ordener, les bras croisés et les yeux levés au ciel.

Derrière eux on entendait le bruit de la foule, qui avait impétueusement éclaté à la sortie des juges. C’était le fameux captif de Munckholm, c’était le redoutable démon d’Islande, c’était surtout le fils du vice-roi, qui occupaient toutes les pensées, toutes les paroles, tous les regards. La rumeur, mêlée de plaintes, de rires et de cris confus, qui s’échappait de l’auditoire, s’abaissait et s’élevait comme une flamme qui ondoie sous le vent.

Ainsi se passèrent plusieurs heures d’attente, si longues que chacun s’étonnait qu’elles fussent contenues dans la même nuit. De temps en temps on jetait un regard vers la porte de la chambre des délibérations ; mais on n’y voyait rien, que les deux soldats qui se promenaient avec leurs pertuisanes étincelantes devant le seuil fatal, comme deux fantômes muets.

Enfin, les torches et les lampes commençaient à pâlir, et quelques rayons blancs de l’aube traversaient les vitraux étroits de la salle, quand la porte redoutable s’ouvrit. Un silence profond remplaça sur-le-champ, comme par magie, tout le tumulte du peuple, et l’on n’entendit plus que le bruit des respirations pressées et le mouvement vague et sourd de la foule en suspens.

Les juges, sortant à pas lents de la chambre des délibérations, reprirent place au tribunal, le président à leur tête.

Le secrétaire intime, qui avait paru absorbé dans ses réflexions pendant leur absence, s’inclina :

— Seigneur président, quel est l’arrêt que le tribunal, jugeant sans appel, a rendu au nom du roi ? Nous sommes prêts à l’entendre avec un respect religieux.

Le juge placé à droite du président se leva, tenant un parchemin dans ses mains :

— Sa grâce, notre glorieux président, fatigué par la longueur de cette audience, daigne nous charger, nous, haut-syndic du Drontheimhus, président naturel de ce tribunal respectable, de lire à sa place la sentence rendue au nom du roi. Nous allons remplir ce devoir honorable et pénible, rappelant à l’auditoire de se taire devant l’infaillible justice du roi.

Alors la voix du haut-syndic prit une inflexion solennelle et grave, et tous les cœurs palpitèrent.

— Au nom de notre vénéré maître et légitime seigneur Christiern, roi ! — voici l’arrêt que nous, juges du haut tribunal du Drontheimhus, nous rendons dans nos consciences, touchant Jean Schumacker, prisonnier d’État ;