Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le président se leva, et dit d’une voix sèche :

— Hallebardiers, qu’on fasse silence ! — Seigneur évêque, le tribunal remercie votre révérence, au nom des prisonniers. — Habitants du Drontheimhus, soyez attentifs à la haute justice du roi ; le tribunal va juger sans appel. — Archers, qu’on amène les accusés.

Il se fit dans l’auditoire un silence d’attente et de terreur ; seulement toutes les têtes s’agitèrent dans l’ombre, comme les sombres vagues d’une mer orageuse, sur laquelle le tonnerre s’apprête à gronder.

Bientôt Éthel entendit une rumeur sourde et un mouvement extraordinaire se prolonger au-dessous d’elle, dans les sinistres avenues de la salle ; puis l’auditoire se rangea avec un frémissement d’impatience et de curiosité ; des pas multipliés retentirent ; des hallebardes et des mousquets brillèrent ; et bientôt six hommes enchaînés et entourés de gardes pénétrèrent, la tête nue, dans l’enceinte du tribunal. Éthel ne vit que le premier de ces six prisonniers ; c’était un vieillard à barbe blanche, vêtu d’une simarre noire ; c’était son père.

Elle s’appuya défaillante sur la balustrade de pierre qui était devant sa banquette ; les objets roulaient sous ses yeux comme dans un nuage confus, et il lui semblait que son cœur palpitait à son oreille. Elle dit d’une voix faible :

— Ô Dieu, secourez-moi !

La femme voilée se pencha vers elle, et lui fit respirer des sels qui la réveillèrent de sa léthargie.

— Noble dame, dit-elle ranimée, de grâce, un mot de votre voix pour me convaincre que je ne suis pas ici le jouet des fantômes de l’enfer.

Mais l’inconnue, sourde à sa prière, avait retourné sa tête vers le tribunal ; et la pauvre Éthel, qui avait retrouvé quelque force, se résigna à l’imiter en silence.

Le président s’était levé, et avait dit d’une voix lente et solennelle :

— Prisonniers, on vous amène devant nous pour que nous ayons à examiner si vous êtes coupables de haute trahison, de conspiration, de révolte par les armes contre l’autorité du roi notre souverain seigneur. Méditez maintenant dans vos consciences, car une accusation de lèse-majesté au premier chef pèse sur vos têtes.

En ce moment un rayon de lumière tomba sur le visage d’un des six accusés, d’un jeune homme qui tenait sa tête penchée sur sa poitrine, comme pour dérober ses traits sous les boucles pendantes de ses longs cheveux. Éthel tressaillit, et une sueur froide sortit de tous ses membres ; elle avait cru reconnaître… — Mais non, c’était une cruelle illusion ; la salle était faiblement éclairée, et les hommes s’y mouvaient comme des ombres ; à peine