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Gustave-Adolphe ! voilà de belle canaille en face d’un homme tel que moi, qui ai fait toutes les guerres de Poméranie et de Holstein ! les campagnes de Scanie et de Dalécarlie ! qui ai combattu sous le glorieux général Schack, sous le vaillant comte de Guldenlew !

— Mais vous ne savez pas, interrompit Randmer, qu’on donne à ces bandes un redoutable chef, un géant fort et sauvage comme Goliath, un brigand qui ne boit que du sang humain, un démon qui porte en lui tout Satan.

— Qui donc ? demanda l’autre.

— Eh ! le fameux Han d’Islande !

— Brrr ! je gage que ce formidable général ne sait seulement pas armer un mousquet en quatre mouvements ou charger une carabine à l’impériale !

Randmer éclata de rire.

— Oui, riez, poursuivit le capitaine. Il sera fort gai en effet de croiser de bons sabres avec de viles pioches, et de nobles piques avec des fourches à fumier ! voilà de dignes ennemis ! mon brave Drake n’aurait pas daigné leur mordre les jambes !

Le capitaine continuait de donner un cours énergique à son indignation, lorsqu’il fut interrompu par l’arrivée d’un officier qui accourait vers eux tout essoufflé.

— Capitaine Lory ! mon cher Randmer !

— Eh bien ? dirent-ils tous deux à la fois.

— Mes amis, je suis glacé d’horreur ! — D’Ahlefeld ! le lieutenant d’Ahlefeld ! le fils du grand-chancelier ! vous savez, mon cher baron Randmer, ce Frédéric… si élégant… si fat !…

— Oui, répondit le jeune baron, très élégant ! Cependant, au dernier bal de Charlottenbourg, mon déguisement était d’un meilleur goût que le sien. — Mais que lui est-il donc arrivé ?

— Je sais de qui vous voulez parler, disait en même temps Lory, c’est Frédéric d’Ahlefeld, le lieutenant de la troisième compagnie, qui a les revers bleus. Il fait assez négligemment son service.

— On ne s’en plaindra plus, capitaine Lory.

— Comment ? dit Randmer.

— Il est en garnison à Walhstrom, continua froidement le vieux capitaine.

— Précisément, reprit l’autre, le colonel vient de recevoir un messager… Ce pauvre Frédéric !

— Mais qu’est-ce donc ? capitaine Bollar, vous m’effrayez.

Le vieux Lory poursuivit :

— Brrr ! notre fat aura manqué aux appels, comme à son ordinaire ;