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Le montagnard, qui n’avait pas quitté Ordener du regard, l’interrompit.

— Je vous comprends à mon tour, je sais pourquoi vous cherchez le démon islandais.

— Je veux le forcer à combattre, dit le jeune homme.

— C’est cela, dit Kennybol, vous êtes chargé de grands intérêts, n’est-ce pas ?

— Je viens de le dire.

Le montagnard s’approcha du jeune homme d’un air d’intelligence, et ce ne fut pas sans un extrême étonnement qu’Ordener l’entendit lui dire à l’oreille, à demi-voix :

— C’est pour le comte Schumacker de Griffenfeld, n’est-il pas vrai ?

— Brave homme, s’écria-t-il, comment savez-vous ?…

Et en effet, il lui était difficile de s’expliquer comment un montagnard norvégien pouvait savoir un secret qu’il n’avait confié à personne, pas même au général Levin.

Kennybol se pencha vers lui.

— Je vous souhaite bon succès, reprit-il du même ton mystérieux ; vous êtes un noble jeune homme de servir ainsi les opprimés.

La surprise d’Ordener était si grande qu’il trouvait à peine des paroles pour demander au montagnard comment il était instruit du but de son voyage.

— Silence, dit Kennybol en mettant son doigt sur la bouche, j’espère que vous obtiendrez de l’habitant de Walderhog ce que vous désirez ; mon bras est dévoué, comme le vôtre, au prisonnier de Munckholm.

Puis élevant la voix, avant qu’Ordener eût pu répliquer :

— Frère, bonne sœur Maase, poursuivit-il, recevez ce respectable jeune homme comme un frère de plus. Allons, je crois que le souper est prêt.

— Quoi ! interrompit Maase, vous avez sans doute décidé sa courtoisie à renoncer à son projet de visiter le démon ?

— Sœur, priez pour qu’il ne lui arrive point de mal. C’est un noble et digne jeune homme. Allons, brave seigneur, prenez quelque nourriture et quelque repos avec nous. Demain je vous montrerai votre chemin, et nous irons à la recherche, vous de votre diable, et moi de mon ours.