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— Ne vous jouez pas de vos intérêts ; acceptez la direction de l’insurrection, et confiez-vous à ma reconnaissance.

— Chancelier de Norvège ; tu comptes sur le succès de tes entreprises, comme une vieille femme qui songe à la robe qu’elle va se filer avec du chanvre dérobé, tandis que la griffe du chat embrouille sa quenouille.

— Encore une fois, réfléchissez avant de rejeter mes offres.

— Encore une fois, moi, brigand, je te dis à toi, grand-chancelier des deux royaumes : non !

— J’attendais une autre réponse, après l’éminent service que vous m’avez déjà rendu.

— Quel service ? demanda le brigand.

— N’est-ce point par vous que le capitaine Dispolsen a été assassiné ? répondit le chancelier.

— Cela se peut, comte d’Ahlefeld ; je ne le connais pas. Quel est cet homme dont tu me parles ?

— Quoi ! est-ce que ce ne serait point dans vos mains par hasard que serait tombé le coffret de fer dont il était porteur ?

Cette question parut fixer les souvenirs du brigand.

— Attendez, dit-il, je me rappelle en effet cet homme et sa cassette de fer. C’était aux grèves d’Urchtal.

— Du moins, reprit le chancelier, si vous pouviez me remettre cette cassette, ma reconnaissance serait sans bornes. Dites-moi, qu’est devenue cette cassette ? car elle est en votre pouvoir.

Le noble ministre insistait si vivement sur cette demande que le brigand en parut frappé.

— Cette boîte de fer est donc d’une bien haute importance pour ta grâce, chancelier de Norvège ?

— Oui.

— Quelle sera ma récompense si je te dis où tu la trouveras ?

— Tout ce que vous pouvez désirer, mon cher Han d’Islande.

— Eh bien ! je ne te le dirai pas.

— Allons, vous riez ! Songez au service que vous me rendrez.

— J’y songe précisément.

— Je vous assurerai une fortune immense, je demanderai votre grâce au roi.

— Demande-moi plutôt la tienne, dit le brigand. Écoute-moi, grand-chancelier de Danemark et de Norvège, les tigres ne dévorent pas les hyènes. Je vais te laisser sortir vivant de ma présence, parce que tu es un méchant et que chaque instant de ta vie, chaque pensée de ton âme, enfante un malheur pour les hommes et un crime pour toi. Mais ne reviens plus,