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XXII

Voici l’heure où le lion rugit,
Où le loup hurle à la lune,
Tandis que le laboureur ronfle,
Épuisé de sa pénible tâche.
Maintenant les tisons consumés brillent dans le foyer ;
La chouette, poussant son cri sinistre,
Rappelle aux malheureux, couchés dans les douleurs,
Le souvenir d’un drap funèbre.
Voici le temps de la nuit
Où les tombeaux, tous entr’ouverts,
Laissent échapper chacun son spectre,
Qui va errer dans les sentiers des cimetières.

Shakespeare, le Songe d’une nuit d’été.


Arrivés au bois de pins qui est sur la route, ils consultèrent les présages. Les présages sont sinistres.
Le bon Nugno-Salido, tout triste de cela, dit : « Retournons dans notre château de Salas.
« N’allons pas plus loin ; nous avons de mauvais augures, un aigle a emporté dans ses serres un hibou qui poussait de grands cris.
« Les corbeaux croassent d’une manière plaintive. N’allons pas plus loin. »
Les sept enfants de Lara.



Retournons sur nos pas. Nous avons laissé Ordener et Spiagudry gravissant avec assez de peine, au lever de la lune, la croupe du rocher courbé d’Oëlmœ. Ce rocher, chauve à l’origine de sa courbure, était appelé alors par les paysans norvégiens le Cou-de-Vautour, dénomination qui représente en effet assez bien la figure qu’offre de loin cette masse énorme de granit.

À mesure que nos voyageurs s’élevaient vers la partie nue du rocher, la forêt se changeait en bruyère. Les mousses succédaient aux herbes ; les églantiers sauvages, les genêts, les houx, aux chênes et aux bouleaux ; appauvrissement de végétation qui, sur les hautes montagnes, indique toujours la proximité du sommet, en annonçant l’amincissement graduel de la couche de terre dont ce qu’on pourrait appeler l’ossement du mont est revêtu.

— Seigneur Ordener, disait Spiagudry, dont l’esprit mobile était comme sans cesse entraîné dans un tourbillon d’idées diverses, cette pente est bien