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moment à Drontheim, et qu’ainsi le général Levin n’est pas loin de son départ.

Le comte prit une voix affectueuse.

— Ce rappel, mon cher, est un de vos coups de maître ; c’est une de vos intrigues les mieux conçues et les plus habilement exécutées.

— L’honneur en appartient à sa grâce autant qu’à moi, répliqua Musdœmon, soigneux, comme nous l’avons déjà dit, de mêler le comte à toutes ses machinations.

Le patron connaissait cette pensée secrète de son confident, mais il voulait paraître l’ignorer. Il se mit à sourire.

— Mon cher secrétaire intime, vous êtes toujours modeste ; mais rien ne me fera méconnaître vos éminents services. La présence d’Elphège et l’absence du mecklembourgeois assurent mon triomphe à Drontheim. Me voici le chef de la province, et si Han d’Islande accepte le commandement des révoltés, que je veux lui offrir moi-même, c’est à moi que reviendra, aux yeux du roi, la gloire d’avoir apaisé cette inquiétante insurrection et pris ce formidable brigand.

Ils parlaient ainsi à voix basse, quand le guide se retourna.

— Mes seigneurs maîtres, dit-il, voici, à notre gauche, le monticule sur lequel Biord le Juste fit décapiter, aux yeux de son armée, Vellon à la langue double, ce traître qui avait éloigné les vrais défenseurs du roi et appelé l’ennemi dans le camp, pour paraître avoir seul sauvé les jours de Biord.

Tous ces souvenirs de la vieille Norvège ne semblèrent pas du goût de Musdœmon, car il interrompit brusquement le guide.

— Allons, allons, bonhomme, taisez-vous et continuez votre chemin sans vous détourner ; que nous importe ce que des masures ruinées ou des arbres morts vous rappellent de sottes aventures ? Vous importunez mon maître avec vos contes de vieilles femmes.

Il disait vrai.