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XIX

PREMIER BRIGAND.
Sauve-toi… Cette contrée, quoique vaste, n’aura pas un seul endroit pour te cacher ; la mort y est partout.
DEUXIÈME BRIGAND
Le seigneur Aldobrand est spécialement chargé par son souverain de poursuivre ta vie proscrite dans toute la Sicile.
Maturin, Bertram.


THÉODORE.
Tristan, fuyons par ici.
TRISTAN.
C’est une étrange disgrâce.
THÉODORE.
Nous aura-t-on reconnus ?
TRISTAN.
Je l’ignore et j’en ai peur.
Lope de Vega, le Chien du Jardinier.



Benignus Spiagudry se rendait difficilement compte des motifs qui pouvaient pousser un jeune homme bien constitué et paraissant avoir encore de longues années de vie devant lui, tel que son compagnon de voyage, à se porter l’agresseur volontaire du redoutable Han d’Islande. Bien souvent, depuis qu’ils avaient commencé leur route, il avait abordé adroitement cette question ; mais le jeune aventurier gardait, sur la cause de son voyage, un silence obstiné. Le pauvre homme n’avait pas été plus heureux dans toutes les autres curiosités que son singulier camarade devait naturellement lui inspirer. Une fois, il avait hasardé une question sur la famille et le nom de son jeune maître. — Appelez-moi Ordener, avait répondu celui-ci ; et cette réponse peu satisfaisante était prononcée d’un ton qui interdisait la réplique. Il fallait donc se résigner ; chacun a ses secrets ; et le bon Spiagudry lui-même ne cachait-il pas soigneusement, dans sa besace et sous son manteau, certaine cassette mystérieuse sur laquelle toutes recherches lui eussent semblé fort déplacées et fort désagréables.

Ils avaient quitté Drontheim depuis quatre jours, sans avoir fait beaucoup de chemin, tant en raison du dégât causé dans les routes par l’orage que de la multiplicité des voies de traverse et détours que le concierge fugitif