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point ! Vous gémissiez dans vos souterrains, privés d’air et de jour, dépouillés de toute propriété, esclaves de la plus onéreuse tutelle ! Qui est venu à votre aide ? qui a ranimé votre courage ? qui vous a donné de l’or, des armes ? N’est-ce pas mon illustre maître, le noble comte de Griffenfeld, plus esclave et plus infortuné encore que vous ? Et maintenant, comblés de ses bienfaits, vous refuseriez de vous en servir pour conquérir sa liberté, en même temps que la vôtre ?

— Vous avez raison, interrompit le jeune mineur, ce serait mal agir.

— Oui, seigneur Hacket, dirent les deux vieillards, nous combattrons pour le comte Schumacker.

— Courage, mes amis ! levez-vous en son nom, portez le nom de votre bienfaiteur d’un bout de la Norvège à l’autre. Écoutez, tout seconde votre juste entreprise ; vous allez être délivrés d’un formidable ennemi, le général Levin de Knud, qui gouverne la province. La puissance secrète de mon noble maître, le comte de Griffenfeld, va le faire rappeler momentanément à Berghen. — Allons, dites-moi, Kennybol, Jonas, et vous, mon cher Norbith, tous vos compagnons sont-ils prêts ?

— Mes frères de Guldbranshal, dit Norbith, n’attendent que mon signal. Demain, si vous voulez…

— Demain, soit. Il faut que les jeunes mineurs, dont vous êtes le chef, lèvent les premiers l’étendard. Et vous, mon brave Jonas ?

— Six cents braves des îles Faroër, qui vivent depuis trois jours de chair de chamois et d’huile d’ours, dans la forêt de Bennallag, ne demandent qu’un coup de trompe de leur vieux capitaine Jonas, du bourg de Lœvig.

— Fort bien. Et vous, Kennybol ?

— Tous ceux qui portent une hache dans les gorges de Kole, et gravissent les rochers sans genouillères, sont prêts à se joindre à leurs frères les mineurs, quand ils auront besoin d’eux.

— Il suffit. Annoncez à vos compagnons, pour qu’ils ne doutent pas de vaincre, ajouta l’envoyé en haussant la voix, que Han d’Islande sera le chef.

— Cela est-il certain ? demandèrent-ils tous trois ensemble et d’une voix où se mêlaient l’expression de la terreur et celle de l’espérance.

L’envoyé répondit :

— Je vous attendrai tous trois dans quatre jours, à pareille heure, avec vos colonnes réunies, dans la mine d’Apsyl-Corh, près le lac de Smiasen, sous la plaine de l’Étoile-Bleue. Han d’Islande m’accompagnera.

— Nous y serons, dirent les trois chefs. Et puisse Dieu ne pas abandonner ceux qu’aidera le démon !

— Ne craignez rien de la part de Dieu, dit Hacket en ricanant.