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de troubler sa sécurité et chercha au contraire à l’accroître, afin d’accroître cette sérénité si précieuse dans les grands pour leurs favoris.

— Noble comte, votre fils a échoué près de la fille de Schumacker ; mais il paraît qu’un autre a été plus heureux.

Le comte l’interrompit vivement.

— Un autre ! quel autre ?

— Eh ! mais, je ne sais quel serf, paysan ou vassal…

— Dites-vous vrai ? s’écria le comte, dont la figure dure et sombre était devenue radieuse.

— Le seigneur Frédéric me l’a affirmé, ainsi qu’à la noble comtesse.

Le comte se leva et se mit à parcourir la chambre en se frottant les mains.

— Musdœmon, mon cher Musdœmon, encore un effort et nous sommes au but. Le rejeton de l’arbre est flétri ; il ne nous reste plus qu’à renverser le tronc. — Avez-vous encore quelque bonne nouvelle ?

— Dispolsen a été assassiné.

Le visage du comte se dérida entièrement.

— Ah ! vous verrez que nous marcherons de triomphe en triomphe. A-t-on ses papiers ? a-t-on surtout ce coffre de fer ?

— J’annonce avec peine à votre grâce que le meurtre n’a point été commis par les nôtres. Il a été tué et dépouillé sur les grèves d’Urchtal, et l’on attribue cet exploit à Han d’Islande.

— Han d’Islande ! reprit le maître, dont le visage s’était rembruni ; quoi ! ce brigand célèbre que nous voulons mettre à la tête de nos révoltés !

— Lui-même, noble comte ; et je crains, d’après ce que j’en ai entendu dire, que nous n’ayons de la peine à le trouver. En tout cas, je me suis assuré d’un chef qui prendra son nom et pourra le remplacer. C’est un farouche montagnard, haut et dur comme un chêne, féroce et hardi comme un loup dans un désert de neige ; il est impossible que ce formidable géant ne ressemble pas à Han d’Islande.

— Ce Han d’Islande, demanda le comte, est donc de haute taille ?

— C’est le bruit le plus populaire, votre grâce.

— J’admire toujours, mon cher Musdœmon, l’art avec lequel vous disposez vos plans. Quand éclate l’insurrection ?

— Oh ! très prochainement, votre grâce ; en ce moment peut-être. La tutelle royale pèse depuis longtemps aux mineurs ; tous saisissent avec joie l’idée d’un soulèvement. L’incendie commencera par Guldbranshal, s’étendra à Sund-Moër, gagnera Kongsberg. Deux mille mineurs peuvent être sur pied en trois jours. La révolte se fera au nom de Schumacker ; c’est en ce nom que leur parlent nos émissaires. Les réserves du Midi et la garnison de Drontheim et de Skongen s’ébranleront ; et vous serez ici justement pour