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Le houleux Zuyderzée est jaune à l’horizon.

Les villes sur leur porte ont un grand écusson ;
Jadis leur libérté blasonna leur richesse ;
Rotterdam est marqùise, Amsterdam est duchesse ;
Ce qui n’empêche pas ces cités et ces champs,
Et tous ces blasons, d’être en somme des, marchands,
Et d’avoir à Ceylan, au Brésil, en Syrie,
Des comptoirs où se tient debout leur Seigneurié.
Pays riche, pays joyeux ; les gras troupeaux, .
L’herbe, l’homme, l’oiseau, le travail, le repos,
Tout rit, les paradis.succèdent aux cocagnes.;
Le Rhin, ce noir seigneur descendu des montagnes,
N’est plus qu’un bon bourgeois qui se retire aux champs ;
L’humble fumée éparse autour des toits penchants
Rampe et monte à travers les frênes et les ormes ;
Et d’effrayants moulins aux vastes plate-formes,
Qui tournent éperdus et sombres dans le vent
Avec on ne sait quoi d’énorme et de vivant,
Frappant l’espace avec leurs bras de sauterelles,
Mêlent l’azur, la nue et l’ombre à leurs quatre ailes.

À coup sûr ces géants, ces pourfendeurs de l’air,
Toujours enveloppés par un quadruple éclair;
Feraient mettre en arrêt la lance à don Quichotte.

Dans la cuve à houblon Gouda vide sa hotte ;
Telle ville a son lait, telle autre ses fraisiers ;
Telle autre sa balance à peser les sorciers.
On vogue ; on reconnaît les cantons catholiques
Aux mendiants pieds nus qui baisent des reliques ;
Car la châsse est dorée aux dépens des sillons ;
La madone à bijoux fait la femme en haillons.
Le taillis noyé semble un miroir sous des branches ;
Des marmots blonds, mordant leur pain aux larges tranches,