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XL LA FORÊT


De quoi parlait le vent? De quoi tremblaient les branches?
Etait-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches,
Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls,
Ou parce qu'elle et moi nous étions là tout seuls?
Elle hésitait. Pourquoi? Soleil, azur, rosées,
Aurore! Nous tâchions d'aller, pleins de pensées,
Elle vers la campagne et moi vers la forêt.
Chacun de son côté tirait l'autre, et, discret,
Je la suivais d'abord, puis, à son tour docile,
Elle venait, ainsi qu'autrefois en Sicile
Faisaient Flore et Moschus, Théocrite et Lydé.
Comme elle ne m'avait jamais rien accordé,
Je riais, car le mieux c'est de tâcher de rire
Lorsqu'on veut prendre une âme et qu'on ne sait que dire;
J'étais le plus heureux des hommes, je souffrais.
Que la mousse est épaisse au fond des antres frais!
Par instants un éclair jaillissait de notre âme;
Elle balbutiait: Monsieur... et moi: Madame.
Et nous restions pensifs, muets, vaincus, vainqueurs,
Après cette clarté faite dans nos deux coeurs.
Une source disait des choses sous un saule;
Je n'avais encor vu qu'un peu de son épaule,
Je ne sais plus comment et je ne sais plus où;
Oh! le profond printemps, comme cela rend fou!
L'audace des moineaux sous les feuilles obscures,
Les papillons, l'abeille en quête, les piqûres,