Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ne gardant que le droit, rendit à Dieu la mort.
Notre doigt n'est pas fait pour presser le ressort
De ce fer monstrueux qui tombe et se relève;
La liberté n'est pas un outil de la Grève;
Elle s'emmanche mal au couperet hideux;
Carrier, Le Bas, Hébert, sont des Philippes deux;
Fouquier-Tinville touche au duc d'Albe; Barrère
Vaut de Maistre, et Chaumette a Bâville pour frère;
Marat, Couthon, Saint-Just, d'où la vengeance sort,
Servent la vie avec les choses de la mort;
Ce qu'ils font est fatal; c'est toujours la vieille oeuvre,
Et l'on y sent le froid de l'antique couleuvre.
Non, le vrai ne doit point avoir de repentirs;
Au nom de tous les morts et de tous les martyrs,
Non, jamais de vengeance! et la vie est sacrée.
L'aigle des temps nouveaux, planant dans l'empyrée,
 
Laisse le sang rouiller le bec du vieux vautour;
Le peuple doit grandir; étant maître à son tour,
Et c'est par la douceur que la grandeur se prouve.
Concorde! Nos enfants ne tettent plus la louve;
Notre avenir n'est plus dans un antre, allaité
Par l'affreux ventre noir de la fatalité.

Ce patient, traîné dans un tombeau qui roule,
Ces prunelles de tigre éclatant dans la foule,
Ce prêtre, ce bourreau, tout ce groupe fatal,
Ce tréteau, pilori s'il n'est pas piédestal,
Ce panier, cette fosse infâme qui se creuse,
Cette hache, c'était de l'ombre malheureuse;
Cela cachait le ciel, le vrai, l'astre éclipsé;
C'était du crépuscule et c'était du passé;
Le peuple sent en lui sa nouvelle âme éclore,
Et ne veut rien du soir et veut tout de l'aurore.
Avançons. Le progrès, c'est un besoin d'azur.
Certes, Danton fut grand; Robespierre était pur;
Jadis, broyant, malgré les cris et les menaces,