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En sondes-tu la nuit et le prodige, ô sage ?
En comprends-tu l’horreur ? Sens-tu sous ton visage
Cette tête de mort sur laquelle tu ris ?
Entends-tu de ton âme en toi les sombres cris ?
Parle. As-tu peur de l’homme ? As-tu peur de cet ange
Que tu sens remuer vaguement dans ta fange ? -
Dis, le jour où tu vins au. monde, as-tu compris ? .
O ver de terre aveugle, ombre entre les esprits ;
Espèce de fantôme en suspens sur deux mondes,
Sortant des lumineux pour aller aux immondes,
Tantôt Trimalcion, tantôt Ithuriel,
O zénith ; ô nadir, souffle immatériel
Qui te fais par la chair rendre d’impurs services,
Et dans le sac du corps vas portant tous les vices,
De. toi-même ébloui, de toi-même effrayé,
Plus souillé que le bât d’un onagre rayé,
Et que le vert-de-gris des plus viles monnaies,
Ce qui n’empêche point, par instants, que tu n’aies ;
Dans tes heures d’orgueil et de rébellion,
Des couchers de soleil, des réveils de lion,
Rôdeur qui veux quitter ta sphère pour les nôtres,
Trouve donc ton énigme avant d’en chercher d’autres !

N’as-tu donc point assez de ton gouffre ? réponds.
Comment rejoindras-tu l’homme à l’homme ? quels ponts
Pourront jamais unir, à travers la nuit noire, -
Un de ses bords à l’autre, et sa honte à sa gloire ?

Sois un pasteur d’esprits, un guide des vivants,
Un fier tribun du peuple aux, discours émouvants,
Dont la mort est plus tard pour la terre un désastre ;
Sois grand et fort avec une lumière d’astre ;
Sois Colomb, et découvre un monde ; sois Schiller,
L’aigle du coeur plus grand que les aigles. de l’air ;
Sois Mirabeau, Shakspeare et Platon tout ensemble ;
Si profond, si puissant, si sublime qu’il semble