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Et marie une fleur avec l’arbre aux cent bras.
Toi qui sous le talon d’Apollon te cabras,
O cheval orageux du Pinde, tes narines
Frémissaient quand passaient les nymphes vipérines,
Et, sentant là de l’ombre hostile à ta clarté,
Tu t’enfuyais devant la sinistre Astarté.
Et Terpandre le vit, et Platon le raconte.

La femme est une gloire et peut être une honte
Pour l’ouvrier divin et suspect qui la fit.
A tout le bien, à tout le mal, elle suffit.
Haine, amour, fange, esprit, fièvre, élle participe
Du gouffre, et la matière aveugle est son principe.
Elle est le mois de mai fait chair, vivant, chantant.
Qu’est-ce que le printemps ? une orgie. A l’instant,
Où la femme naquit, est morte l’innocence.
Les vieux songeurs ont vu la fleur qui nous encense
Devenir femme à l’heure où l’astre éclôt au ciel,
Et, pour Orphée ainsi que pour Ézéchiel,
La nature n’étant qu’un vaste hymen, l’ébauche
D’un être tentateur rit dans cette débauche ;
C’est la femme. Elle est spectre et masque, et notre sort
Est traversé par elle ; elle entre, flotte et sort.
Que nous veut-elle ? A-t-elle un but ? Par quelle issue
Cette apparition vaguement aperçue
S’est-elle dérobée ? Est-ce un souffle de nuit
Qui semble une âme errante et qui s’évanouit ?
Les sombres hommes sont une forêt, et l’ombre
Couvre leurs pas, leurs voix, leurs yeux, leur bruit, leur nombre ;
Le genre humain, mêlé sous les hauts firmaments,
Est plein de carrefours et d’entre-croisements,
Et la femme est assez blanche pour qu’on la voie
A travers cette morne et blême claire-voie.
Cette vision passe ; et l’on reste effaré.
Aux chênes de Dodone, aux cèdres de Membré,
L’hiérophante ému comme le patriarche
Regarde ce fantôme inquiétant qui marche.