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On éclata de rire une seconde fois...

Et ce rire était plus un rictus qu’une voix ;
Il remua longtemps l’ombre visionnaire,

Et, s’évanouissant, roula comme un tonnerre
Dans ce prodigieux silence où le néant
Semblait vivre, insondable, immobile et béant.

Cependant par degrés l’ombre devint visible ;
Et l’être qui m’avait parlé précédemment

Reparut, mais grandi jusqu’à l’effarement ;
Il remplissait du haut en bas le sombre dôme
Comme si l’infini dilatait ce fantôme ;
De sorte que l’esprit effrayant n’offrait plus
Que des faces roulant par flux et par reflux,
Un sourd fourmillement d’hydres, d’hommes, de bêtes,
Et que le fond du ciel me semblait plein de têtes.
Ces têtes par moments semblaient se quereller.
Je voyais tous ces yeux dans l’ombre étinceler.
Le monstre grandissait en silence, sans cesse.
Et je ne savais plus ce que c’était. Était-ce
Une montagne, une hydre, un gouffre, une cité,
Un nuage, un amas d’ombre, l’immensité ?
Je sentais tous ces yeux sur moi fixés ensemble.
Tout à coup, frissonnant comme un arbre qui tremble,
Le fantôme géant se répandit en voix,