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Isthme de Suez fermant l’Inde comme un verrou ;

Ô voûtes d’Ellora, croupes du mont Mérou
D’où s’échappe le Gange aux grandes eaux sacrées ;
Ombre, qui n’as pas l’air de savoir que tu crées ;
       vous qui criez : deuil ! vous qui criez : espoir !
Spherus qui, toujours seul dans l’antre toujours noir,
Cherches Dieu — par les mille ouvertures funèbres,
Blanches, tristes, que font à l’âme les ténèbres ;
Prêtres qu’en votre nuit suit le doute importun ;
Vous, psalmistes, David, Éthan, grave Idithun ;
Jean, interlocuteur de l’oiseau chéroubime ;
Et vous, poetes ; Dante, homme effrayant d’abîme,
Grand front tragique ombré de feuilles de laurier,
Qui t’en reviens, laissant l’obscurité crier,
Rapportant sous tes cils la lueur des avernes ;
Dompteurs qui sans pâlir allez dans les cavernes
Chercher le hurlement jusque dans son chenil ;
Pilotes nubiens qui remontez le Nil ;
       prodigieux cerf aux rameaux noirs qui brames
Dans la forêt des djinns, des pandits et des brames ;
Hommes enterrés vifs, songeant dans vos cercueils ;
       pâtres accoudés ; ô bruyères ; écueils
Où rêve au crépuscule une forme sinistre ;
Pythie assise au front du hideux cap Canistre ;
Angles mystérieux où les songeurs entrés
Distinguent vaguement des satrapes mitrés ;
Vous que la lune enivre et trouble, sélénites ;
Vous, bénitiers sanglants des seules eaux bénites,
Yeux en pleurs des martyrs ; vous, savants indécis ;
Merlin, sous l’escarboucle inexprimable assis ;
Toi, Job, qui te plains ; toi, Basile, qui médites ;
Est-ce qu’on ne peut pas voir un peu de jour, dites ?