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Quand la meute du vent court sur l’onde écumante
Et quand l’archer tonnerre et le chasseur éclair
Percent de traits la peau d’écailles de la mer ?
Veux-tu qu’à pleines mains, tous deux, dans l’invisible,
O passant, nous puisions l’illusion terrible ?
Veux-tu que nous penchions nos yeux sur les secrets,
Et que nous regardions la nature de près
Pendant qu’elle produit dans l’immense pénombre ?
Parle. Es-tu curieux de l’accouchement sombre ?
Veux-tu voir dans le germe, et voir comment éclôt
Le songe ou le rocher, le sommeil ou le flot,
Et prendre sur le fait la création, mère
De la réalité comme-de la chimère ?
Veux-tu d’une naissance entendre la rumeur,
Regarder un éden poindre, avoir la primeur
D’une sphère, d’un globe en fleur, d’une lumière ?
Ou voir surgir l’idée, éblouissante, fière,
Cherchant l’époux Génie au fond du ciel lointain ?
Dis, veux-tu dans la nuit, veux-tu dans le destin-
Voir quelque lever d’astre ou quelque lever d’âme ?
Tu peux choisir. Demande, interroge, réclame ;
Parle. J’attends. Faut-il ressaisir, je le puis,
Une étoile aux cheveux dans la fuite des nuits,
Et te la rapporter splendide et frémissante ?
Que veux-tu ? Veux-tu voir dix soleils, vingt, soixante,
Se lever à la fois dans soixante univers ?
Veux-tu voir, sur le seuil des cieux tout grands ouverts,
Le matin dételant les sept chevaux de l’Ourse- ?
Ou veux-tu que, dans l’ombre où le jour à sa source,
Homme, pour te donner le temps d’examiner,
Les mondes, qu’un prodige éternel fait tourner,
S’arrêtent un moment et reprennent haleine ?
Parle.

L’esprit baissa ses ailes de phalène,
Et se tut. L’air tremblait sous mes pieds hasardeux.
Et l’âpre obscurité qui nous voyait tous deux