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Douze apôtres le jour, la nuit douze césars.
Du beau donnant sa forme au grand, je fais les arts.
Dans les milieux humains, dans les brumes charnelles,
J’erre en voyant ; je suis le troupeau des prunelles.
Je suis l’universel, je suis le partiel.
Je nais de la vapeur ainsi que l’eau du ciel,
Et j’éclos du rocher comme le saxifrage.
Je sors du sentier vert, du foyer, du naufrage,
Du pavé du chemin, de la borne du champ,
Des haillons du noyé sur la grève séchant,
Du flambeau qui s’éteint, de la fleur qui se fane
Je me suis appelé Pyrrhon, Aristophane,
Démocrite, Aristote, Esope, Lucien,
Diogène, Timon, Plaute, Pline l’ancien,
Cervantes, Bacon, Swift, Locke, Rousseau, Voltaire.
Je suis la résultante énorme de la terre.

La raison : J’étais là, pensif, troublé, muet ;
Pendant que j’écoutais, l’être continuait :

— Homme, à nous le mystère est ouvert. Nous en sommes.
Pour l’abîme, je suis un spectre ; pour vous, hommes,
Je suis la Voix qui dit : allez, mais sachez où.
J’erre près du néant le long du garde-fou.
J’avertis.

Il reprit :
— Écoute, esprit qui trembles ;
Et qui ne peux pas même entrevoir les ensembles :
Hommes, vous m’ignorez, mais je vous connais tous ;