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veur, les Châtiments, il nous revient, aussi fier que jadis, aussi indigné, aussi foudroyant et toujours humain.


La Nouvelle Revue.
Henri de Bornier.

… Comment donner une idée de cette œuvre prodigieuse ? Vous avez entendu peut-être l’orgue de l’église de Saint-Bavon, à Harlem. L’orgue est à lui seul un monument ; il est aussi haut que l’église ; il repose sur douze colonnes, et des statues de marbre blanc sont disposées en groupes depuis l’entablement jusqu’au faite. Il y a quatre claviers, entre lesquels sont répartis soixante registres, et douze soufflets se mettent à l’œuvre et animent d’une vie formidable et le trombone, et le double trombone, et le contre-basson, et la bombarde ; on se demande si la mer qui est voisine, soulevée par quelque tempête, n’entre pas dans la haute cathédrale. Rien n’est plus terrible, et tout à coup rien n’est plus charmant. Des souffles de printemps succèdent à des hurlements de cyclone ; et il y a des moments d’accalmie où les cinq mille voix de cet océan d’harmonie se taisent pour nous laisser entendre le petit cri joyeux d’une hirondelle.


Le Gaulois.
Catulle Mendès.

… S’il y a quelque chose de plus prodigieux que le génie de Victor Hugo, c’est le renouvellement perpétuel de ce génie. Chaque œuvre nous le montre sous un aspect imprévu. Il est toujours égal à lui-même, certes, et il a atteint déjà des hauteurs qui ne sauraient être dépassées, même par lui ; donc, égal ! mais jamais pareil. En lisant les quatre sous-titres des Quatre vents de l’Esprit, vous avez pensé peut-être : « Un livre satirique ? Bon, cela ressemblera aux Châtiments. Un livre dramatique ? Nous y retrouverons certainement le poète de Ruy Blas et de Marion de Lorme. Un livre lyrique ? À la bonne heure, nous allons lire d’exquises chansons d’amour semblables aux Chansons des rues et des bois, et nous reconnaîtrons les sublimes odes visionnaires des Contemplations. Un livre épique ? Ce seront évidemment des poèmes analogues aux merveilleux poèmes de la Légende des Siècles. » Ceux qui ont pensé cela se sont trompés.

Le livre satirique ne ressemble pas aux Châtiments ; le livre dramatique a peu de rapports avec Ruy Blas ; le livre lyrique ne provient pas des Contemplations ; le livre épique n’est pas la Légende des Siècles continuée. Car il a plu à l’infatigable créateur de se manifester par des créations nouvelles ! Vous êtes dans les Pyrénées ; depuis un mois, vous vous levez de grand matin ; le sac sur le dos, le bâton ferré en main, vous avez admiré bien des lacs, bien des torrents, bien des gorges, bien des sommets ! enfin vous dites : « À quoi bon voyager plus loin ? Tout ce que je puis voir, ne l’ai-je pas vu ? Est-ce que les eaux, entre les monts, n’auront pas partout le même azur limpide ? Les cascades ressemblent aux cascades ; le même écroulement épouvantable de roches s’entasse dans les gorges obstruées et c’est toujours le même brouillard vaguement lumineux qui se déchire aux pâles cimes de neige ! » Voyageur imbécile ! tu crois donc que la nature, pour faire beau, pour faire grand, a besoin de se plagier elle-même ? tu crois qu’elle manque d’imagination ? Reprends ton bâton et reboucle tes guêtres ! Partout — également admirable — t’attend l’inattendu, terrible, superbe ou charmant ! Et c’est à l’œuvre divine que ressemble l’œuvre de Victor Hugo.

… Et maintenant, niez, riez, criez, tapagez, contempteurs des génies, rabaisseurs des gloires, insulteurs des triomphes ! Si vous saviez combien tout ce que vous oserez empêchera peu d’être sublimes les sublimes pensées et les sublimes vers ! Niez, vous dis-je ! Il n’importe. Si vous ne croyez pas ce que vous dites, si vous mentez dans quelque but d’intérêt personnel, l’on vous méprise ! et si vous êtes sincères, ah ! pauvres gens, comme je vous plains !


L’Événement.
Aurélien Scholl.

… Je viens de parcourir à la hâte les Quatre vents de l’Esprit et j’avoue ma stupéfaction. Quel est donc cet homme que rien ne lasse et qui va, qui va toujours ? Est-ce Victor Hugo ? Est-ce Averroës ou Paracelse ?