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Ce temps fut morne, obscur, douloureux, inclément,
Implacable, et la Grève en fut la seule fête.
Tant que dura ce roi, le peuple eut sur la tête,
Au lieu d’azur, au lieu d’astres, au lieu de ciel,
On ne sait quoi de bas, d’infâme et de cruel ;
On entendait la mort marcher sur cette voûte ;
Ce règne eut pour plafond l’échafaud qui s’égoutte ;
Donc ce roi, c’est le Juste.



Donc ce roi, c’est le Juste. Et celui qui le suit,
C’est le Grand. Ce héros, ce roi dont le front luit,
Fut magnifique ; il fut le maître incomparable ;
Fier, il avait sous lui la foule misérable,
Les disettes, les deuils, les détresses, les pleurs,
Un chaos de grabats, de fièvres, de douleurs ;
Il fit, magicien, sortir de ces broussailles
Cette fleur gigantesque et splendide, Versailles.
Il fut le roi choisi, de puissance inondé ;
Il eut Colbert, il eut Molière, il eut Condé ;
Il fut lumière ainsi que Bel à Babylone ;
Son trône fut si haut qu’il devint le seul trône,
Et tous les rois étaient de l’ombre devant lui ;
La terre avait pour but d’occuper son ennui ;
Et la toute-puissance et l’empire et la gloire
Et l’amour et l’orgueil faisaient dans la nuit noire
Au-dessus de sa tête un abîme étoilé ;
Gloire à lui ! sous ses pieds, tandis que, Dieu voilé
Par toutes les splendeurs sur son front réunies,
Homme soleil ayant pour rayons des génies,
Vêtu d’or, triomphant, heureux, vertigineux,
Ne faisant point un pas qui ne fût lumineux,
Flamme, astre, il empourprait son olympe superbe,
Le peuple, n’ayant pas de pain, mangeait de l’herbe,