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Peut conserver d’éclair quand elle est éternelle,
Toute la vie étrange et pâle de la mort,
Ce qui reste au héros jadis illustre et fort
Quand le trépas l’étreint de ses deux ailes noires,
Tout l’effort qu’au tombeau le gagneur de victoires
En cessant d’être roi fait pour devenir Dieu,
Et la grandeur de l’heure et la grandeur du lieu,
S’ajoutaient au colosse et de son attitude
Augmentaient la suprême et grave solitude ;
Et la Seine fuyait avec un triste bruit
Sous ce grand chevalier du gouffre et de la nuit.

Le vent jetait son cri, l’eau jetait son écume ;
Et les arches du pont, s’enfonçant dans la brume
Avec un vague aspect de spectre et de chaos,
S’ouvraient sous la statue auguste, et sur les flots
Du fleuve humilié qui pleure et qui querelle,
Porches d’ombre pour eux, arcs triomphaux pour elle.

Soudain, dans ce silence, et sans qu’on pût savoir
Qui parlait dans ce calme impénétrable et noir
Où la profondeur sourde et terrible sommeille,
Au-dessus du colosse immobile, à l’oreille
De la statue ouvrant ses yeux fixes devant
L’espace sépulcral plein de nuit et de vent,
Une voix, qui passa comme un souffle de glace,
Dit : ― Va voir si ton fils est toujours à sa place.



Si quelqu’un à cette heure eût rôdé là, marchant
Sur le quai solitaire ou près du bord penchant,
Aux clartés du falot qui vacille et qui fume,
Cet être eût entendu tout à coup, dans la brume