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Eh bien, moi, je lui vais donner le cauchemar.
Vous êtes Erostrate, eh bien, je suis Omar !

O joute monstrueuse ? effroyables escrimes !
Avec des malfaiteurs se battre à coups de crimes !
Ils ont sabré, frappons ! ils ont volé, pillons !
Semons leur infamie en nos propres sillons.
Quoi ! notre oeuvre et la leur germeront pêle-mêle !
Ensemble à la même auge, à la même gamelle,
Abjects, nous mangerons le même opprobre, tous !
O ciel ! et l'on verra sortir d'eux et de nous
Une épaisseur de honte horrible sur la France !
Nos attentats auront assez de transparence
Pour qu'on voie au travers nos principes déçus,
La clémence dessous, l'assassinat dessus !
Nous, copier ces gueux, faire un échafaudage
De notre banditisme avec leur brigandage,
De sorte que l'histoire un jour dise : Ombre et mort !
Qui donc avait raison et qui donc avait tort ?
Sur notre propre droit verser tant de mensonge
Et tant d'iniquité que tout n'est plus qu'un songe !
Les principes, qui sont dans l'âme des sommets,
S'effacent, et comment fera-t-on désormais
Pour parler de progrès, d'équité, de justice ?
Leur naufrage suffit pour que tout s'engloutisse.
Témérités sans nom ! le bien au mal mêlé !
On voit couler, du haut de l'azur étoilé,
Un sang céleste après ces lâches hardiesses.
Blesser les vérités, c'est blesser les déesses.