Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome VII.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Que me sert le dithyrambe
Qu’on va chantant devant eux,
Et que Dieu m’ait fait ingambe
Si les rois me font boiteux ?

« Ils ne me connaissent guère
S’ils pensent qu’il me suffit
D’avoir les coups de la guerre
Quand ils en ont le profit.

« Foin des beaux portails de marbre
De la Flèche et de Saint-Cyr !
Lorsqu’avril fait pousser l’arbre,
Je n’éprouve aucun plaisir,

« En voyant la branche, où flambe
L’aurore qui m’éveilla,
À dire : C’est une jambe
Peut-être qui me vient là !

« L’invalide altier se traîne,
Du poids d’un bras déchargé ;
Mais moi je n’ai nulle haine
Pour tous les membres que j’ai.

« Recevoir des coups de sabre,
Choir sous les pieds furieux
D’un escadron qui se cabre,
C’est charmant ; boire vaut mieux.

« Plutôt gambader sur l’herbe
Que d’être criblé de plomb !
Le nez coupé, c’est superbe ;
J’aime autant mon nez trop long.