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Te bâillonner ? — Rois ! Dieu lui-même
Pourra vous le prouver bientôt,
Ce siècle est un profond problème
Dont la France seule a le mot.
Ce siècle est debout sur la rive,
D’une voix terrible ou plaintive,
Questionnant quiconque arrive,
Tribuns, penseurs, — ou rois, hélas !
Il propose à tous, dès l’aurore,
L’énigme inexpliquée encore,
Et, comme le sphinx, il dévore
Celui qui ne le comprend pas !

T’insulter ? — mais, s’il se rencontre
Des rois pour courir ce danger,
Vois donc les choses que Dieu montre
A ceux qui voudraient t’outrager !
Vois, sous l’arche où sont nos histoires,
Wagram, les mains de poudre noires,
Ulm, Essling, Eylau, cent victoires,
Défiler au bruit du tambour !
Dieu, quand l’Europe te croit morte,
Prend l’empereur et te l’apporte,
Et fait repasser sous ta porte
Toute ta gloire en un seul jour !

T’insulter ! t’insulter ! ma mère !
Mais n’avons-nous pas tous, ô ciel !
Parmi nos livres, près d’Homère,
Quelque vieux sabre paternel ?
Nos pères sont morts, France aimée !
Mais de leur foule ranimée
Peut-être on ferait une armée
Comme on en fait un Panthéon !
Prêts à surgir au bruit des bombes,
Prêts à se lever si tu tombes,