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ON CONSTRUIT UNE ÉGLISE


L’ARCHEVÊQUE

Hommes qui bâtissez une église, il importe
D’en faire magnifique et superbe la porte
Pour que la foule y puisse entrer facilement ;
Employez-y le bronze et l’or, le diamant,
L’onyx, le saphir ; rien n’est trop beau pour l’église ;
Que la façade soit auguste, et qu’on y lise
Ce nom, Jéhovah, comme à travers des éclairs ;
Que le clocher répande un hymne dans les airs
Et que son tremblement se communique aux âmes ;
Et que le peuple sente, enfants, vieillards et femmes,
En regardant ce temple avec un saint frisson,
Qu’on a sur le seigneur mesuré la maison
Et la grandeur du lieu sur la grandeur de l’hôte ;
Que la crypte soit vaste et que la nef soit haute ;
Que L’HOMME entende là passer confusément
La faute et le pardon, divin chuchotement ;
Que le saint-livre ouvert soit sur la sainte-table ;
Que l’évêque ait son trône et Jésus son étable ;
Que les prêtres, par qui vos torts sont expiés,
Aient une natte épaisse et tiède sous leurs pieds ;
Que l’âme croie, en l’ombre où flottent les saints-voiles,
Entrevoir une obscure éclosion d’étoiles
Comme au fond des forêts dans la vapeur des soirs ;
Qu’on y sente osciller les vagues encensoirs ;
Que l’autel, entouré d’un solennel murmure,
Ait la splendeur sinistre et sombre d’une armure,
Car le céleste esprit combat l’esprit charnel,
Et nul ne doit sans crainte approcher l’Éternel ;