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II
REVUE DE LA CRITIQUE.

Le Figaro

Albert WOLFF.

(24 octobre 1880.)

… Je n’essaierai même pas de soumettre l’œuvre à une analyse critique ; d’ailleurs elle ne serait pas sincère de ma part, j’aime mieux l’avouer ; car j’ai pK)ur le grand poète une telle vénération qu’elle me rend aveugle pour ses défiances si j’en rencontre sur mon chemin…

Je suis de ceux qui l’admirent en bloc, de haut en bas, de long en large, qui le suivent docilement partout où le génie du poète veut les conduire. Si de loin en loin mon grand respect entre en combat avec des velléités de critique, je me tais parce que je pense aux vieilles perruques, si complètement ensevelies dans l’oubli, qui ont combattu le génie de Hugo au début.

Voilà pour le passé, et quant à l’avenir je me souviens toujours de ce qu’un homme de beaucoup d’esprit me disait jadis : — Il ne faut jamais attaquer Hugo ! Autrement on risque que le jour où nos pauvres écrits tomberont, par le plus grand des hasards, sous les jeux de la postérité, elle s’écrie : « Quel est donc l’imbécile qui a écrit de telles choses sur la plus grande gloire littéraire du XIXe siècle ! »

Le Petit Journal.

Thomas GRIMM.

(25 octobre 1880.)

… Ce volume, annoncé depuis longtemps, était impatiemment attendu : c’était, dit-on, une énorme bouffonnerie philosophique, une satire aux proportions gigantesques ; le grand poète s’était amusé, disait-on, à parodier le jargon des pédants, à entasser systèmes sur écoles, doctrines sur régimes, philosophes sur rhéteurs.

On ajoutait que Victor Hugo faisait comme toujours profession de foi spiritualiste et que sa conclusion n’était pas du tout favorable aux idées qui sont à la mode aujourd’hui, c’est-k-dire au matérialisme et à la libre pensée.

Il y a de cela dans l’Âne, mais il y a plus que cela. Je crois savoir que Victor Hugo a écrit ce poème depuis quelques années ; qu’il en avait fait une arme de controverse philosophique ; et que s’il le publie aujourd’hui après l’avoir laissé dormir pendant longtemps, c’est que l’Âne a une portée politique.

… Il me semble que Victor Hugo a voulu intervenir dans la lutte effroyablement ardents des partis et dire de sa grande voix : Ne vous effrayez pas, ne vous tourmentez pas. Le progrès ne s’arrêtera pas et la vérité triomphera. »

La Gazette de France.

Armand DE PONTMARTIN.

(14 novembre 1880.)

. . . Epuisez le dictionnaire, alignez les mots de galimatias, de pathos, de fatras, d’amphigouri, de mystification, d’attrape, de radotage, de gâtume de bouffonnerie, de puérilité, d’aliénation mentale, et — tranchons le mot — de bêtise ; évoquez Jocrisse à Pathmos, Bobèche au Sinaï, Paillasse à la Mecque, Calchas à Asnières, Isaîe à la butte Montmartre, jamais, jamais vous ne vous élèverez à la hauteur de ces deux mille alexandrins. Dès lors, arrivant après Religions et Religion, après le Pape, après tant d’autres irritantes attrapes, se rencontrant avec des persécutions abominables, avec le cri d’indignation et d’horreur de toute la vraie France, cette nouvelle rapsodie, plias pédante que les pédants qu’elle raille, plus emphatique que les rhéteurs qu’elle persifle, plus obscure que les obscurités dont elle se moque, plus grotesque que les ridicules qu’elle fustige, nous délie de tous les serments jadis prêtés aux Feuilles d’automne et à Hernani.