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COLÈRE DE LA BÊTE.

Comprendre ces mots, Sort, Sépulcre, Humanité ;
Savoir la profondeur de ce puits où tu tombes,
Quelle espèce de jour passe aux fentes des tombes,
À quel commencement cette fin aboutit ;
Savoir si l’homme, en qui l’éternel retentit,
Est ou n’est pas trompé par ses sombres envies
D’autres ascensions, d’autres sorts, d’autres vies ;
Savoir s’il est épi dans le céleste blé ;
Savoir si l’alchimiste inconnu, le Voilé,
Soude en ce creuset morne appelé sépulture
Le monde antérieur à sa sphère future ;
Si vous fûtes jadis, si vous fûtes ailleurs
Plus beaux ou plus hideux, plus méchants ou meilleurs ;
Si l’épreuve refait à l’âme une innocence ;
Si l’homme sur la terre est en convalescence ;
Si vous redeviendrez divins au jour marqué ;
Si cette chair, limon sur votre être appliqué,
Argile à qui le temps avare se mesure,
N’est que le pansement d’une ancienne blessure ;
Si quelqu’un finira par lever l’appareil ;
Savoir si chaque étoile et si chaque soleil
Est une roue en flamme aux lumières changeantes
Dont les créations diverses sont les jantes
Et dont la vie immense et sainte est le moyeu ;
Voir le fond du ciel noir et le fond du ciel bleu,
Homme, cela n’est pas possible, et j’en défie,
Christ, ta religion ! Kant, ta philosophie !

Le gouffre répond-il à qui vient l’appeler ?
Non. L’effort est perdu. Déchiffrer, épeler,
Apprendre, étudier, n’est qu’un pas en arrière.
L’esprit revient meurtri du choc de la barrière ;
L’homme est après la marche un peu moins avancé ;
Hélas ! X Y Z en sait moins qu’A B C ;
L’espérance a les yeux plus ouverts que l’algèbre ;
J’ai toujours entendu, devant le seuil funèbre
Des problèmes obscurs qui mettent sur les dents