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RELIGIONS ET RELIGION.

IV

DES VOIX.

Et j’entendais des voix au milieu des nuées ;
Un divin chant d’extase, un noir bruit de huées
Passait.

UNE VOIX.

Le cheval doit être manichéen.
Arimane lui fait du mal, Ormus du bien ;
Tout le jour, sous le fouet il est comme une cible,
Il sent derrière lui l’affreux maître invisible,
Le démon inconnu qui l’accable de coups ;
Le soir, il voit un être empressé, bon et doux,
Qui lui donne à manger et qui lui donne à boire,
Met de la paille fraîche en sa litière noire,
Et tâche d’effacer le mal par le calmant,
Et le rude travail par le repos clément ;
Quelqu’un le persécute, hélas ! mais quelqu’un l’aime.
Et le cheval se dit : « Ils sont deux. » C’est le même.

AUTRE VOIX.

L’instant de dénouer la chimère est venu ;
La vie, inexprimable effort dans l’inconnu,
Est terminée, erreur, ou folie, ou bravade ;
Et voici le moment fatal. L’âme s’évade,
L’homme expire. On a vu sur son logis tremblant
Planer l’ange Trépas, l’oiseau noir, l’oiseau blanc,
Corbeau pour les méchants et pour les bons colombe ;
C’est fini. Maintenant, que devient dans la tombe
Le corps, ce compagnon auquel l’âme avait cru ?
Attends un peu de temps. Cherche. Il a disparu.