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RELIGIONS ET RELIGION.


La bacchante au flanc nu rit dans le bois infâme ;
L’Indou qui saigne et pend aux crocs de fer, se pâme ;
La mère, avec la chair de son enfant, nourrit
Le dieu-fournaise aux dents de feu, Baal-Bérith ;
Ici, temple à la Nuit ; là, temple à la Famine ;
Le cheval de Piman de la Mecque chemine
Sur des hommes couchés à terre, qui lui font
Un fumier de leur âme, un pavé de leur front ;
La Chine donne aux mœurs, aux arts, aux lois, aux codes
La forme monstrueuse et folle des pagodes.
Que d’hommes ont vécu sans jamais être nés !

Et ceux-ci, ces croyants épris et forcenés
Sur qui le sphinx romain pose ses larges griffes,
Que d’affreux hommes dieux, qu’ils appellent pontifes,
Courbent sous leur vil sceptre, infaillible, accepté,
Insolent pour l’azur et pour l’éternité,
Oh ! les infortunés ! est-il rien de plus triste
Que leur sinistre foi dans la Rome papiste !
Rome, charnier sous l’aigle, est, sous la croix, bazar.
Quel est le plus hideux de Pierre ou de César ?
Rome a l’un après l’autre. Épouvantable liste !
Ce vampire c’est Jean, ce spectre c’est Caliste ;
Boniface a des fils de ses nièces ; Urbain
Fait saigner et mourir cinq prêtres dans leur bain ;
Borgia dans Gomorrhe y serait une tache ;
Grégoire tient la torche et Sixte tient la hache ;
Félix est un désastre et Simplicius ment ;
Cet Innocent brûlait les hommes, ce Clément
Les massacrait, ce Pie est un vendeur du temple ;
Jule est l’épouvantail comme Christ est l’exemple ;
Toutes les passions se tenant par la main,
Toute la turpitude et tout l’orgueil humain
Se donnent rendez-vous dans la ville éternelle ;
Tout vient là, dol, parjure, impureté charnelle,
Tous les forfaits connus et tous les inconnus,