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Le Charivari.

Pierre VÉRON.

(1er mai 1878.)

Victor Hugo, dans la grande œuvre qu’il vient de faire paraître, a entrepris de défendre la foi contre la superstition et Dieu contre les exploiteurs.

L’heure était propice pour cette publication.

L’inventeur du Syllabus vient de descendre dans la tombe.

Un nouveau pontife débute dans ce rôle écrasant avec l’inséparable émotion.

Pouvait-on trouver un moment plus opportun pour donner à l’esprit humain le grand enseignement qui jaillit des admirables vers du poète ?

Victor Hugo a d’autant plus d’autorité quand il stigmatise les aberrations de l’ultramontanisme que son spiritualisme inspiré ne s’est jamais démenti.

Ce n’est pas un ennemi de la croyance qui parle. C’est un indigné qui, au nom de cette même croyance, veut, selon l’expression connue, écheniller Dieu.

. . . Incorrigible restera la papauté. Voilà le cadre.

Victor Hugo y a semé à pleines mains les splendeurs et les terreurs, les éblouissements superbes et les ironies formidables.

Sont-ils assez flamboyants dans leur âpreté vengeresse, sont-ils assez terrassants, ces vers de génie !

Ce livre est la déposition sublime d’un témoin calme et impartial.

Quand on l’a entendue, il est impossible de ne pas conclure par cette inexorable formule :

— Oui, l’accusé est coupable.

La Gazette de France.

DANCOURT.

(1er mai 1878.)

... Ainsi c’est bien entendu : le christianisme représenté par le Pape, c’est aujourd’hui le contraire de la charité. Tout ce rêve n’est qu’une antithèse ironique. L’Eglise thésaurise l’or et les diamants ; les prêtres vivent dans le luxe et l’opulence pendant que le peuple meurt de faim. Un pauvre a-t-il froid .-’ manque-t-il de pain . ? jamais un prêtre chrétien ne songe à pénétrer dans son grabat, ne lui apporte du pain, du bois, de l’argent. La guerre éclate-t-elle entre deux peuples, écrasent de boulets, écrasant d’obus, hommes, femmes et enfants ? le prêtre, le Pape se réjouissent, se frottent les mains, crient comme on fait pour les chiens : kjss ! kjss ! et éprouvent une volupté infinie à entendre les hurlements et les gémissements des victimes. Une guerre civile vient-elle à surgir ? le Pape, le prêtre se gardent avec soin d’intervenir. Jamais une parole de paix, de concorde. — Voilà bien, n’est-ce pas, ce que veut dire ce livre ? Voilà bien ce qu’a voulu prouver Victor Hugo ? Oui, il est impossible de nier cette conclusion : les mots sont les mots, la langue française est la plus claire des langues. Il n’y a donc pas à essayer d’en faire sortir ce qui ne s’y trouve pas. Oui, tout cela est dit, affirmé, dans une parole qui n’a jamais été plus superbe de poésie. Le prêtre, c’est le contraire de la charité, de l’abnégation, de la paix ; le prêtre, c’est la jouissance égoïste, la haine, l’orgueil, la guerre : c’est l’ennemi de la patrie, c’est l’ennemi des hommes. — Et cependant ce n’est pas ce qu’a voulu dire Victor Hugo : il l’a dit, mais il n’a pas voulu le dire.

Non, il n’a pas voulu le dire, car encore une fois son œuvre du passé demeure debout, toujours approuvée par lui, puisqu’il la laisse intacte et qu’elle continue à nous consoler de celle-ci. Mais j’irai plus loin encore : tout ce livre qui est, je viens de le démontrer, la calomnie la plus disparate que le monde ait jamais vu naître, puisque c’est la calomnie par le génie, tout ce livre est, au fond, inconsciemment animé par ce sentiment chrétien, qui est la loi du monde depuis deux mille ans. Oubliez pour un instant qu’il est écrit au point de vue de l’ironie et de l’antithèse. Oubliez les trois premiers mots et les trois derniers : le sommeil du Pape et son réveil. Lisez chaque scène à la suite, chaque scène de la vision, du rêve : à quelques écarts près, vous reconnaîtrez les préceptes de l’Évangile, de cet Évangile dont le Pape est le premier gardien, le premier apôtre. Alors tout change : celui qui donne son bien aux pauvres, c’est bien le prêtre ; celle qui fait abnégation de tous les bonheurs de ce monde et partage