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Loin du sentier banal où la foule se rue
Sur quelque illusion,
Laboure le génie avec cette charrue
Qu’on nomme passion ! "

Et quand il eut fini, toi que la haine abreuve,
Tu lui dis d’une voix attendrie un instant,
Voix pareille à la sienne et plus haute pourtant,
Comme la grande mer qui parlerait au fleuve ;

"Ne me console point et ne t’afflige pas.
Je suis calme et paisible.
Je ne regarde point le monde d’ici-bas,
Mais le monde invisible.

Les hommes sont meilleurs, ami, que tu ne crois.
Mais le sort est sévère.
C’est lui qui teint de vin ou de lie à son choix
Le pur cristal du verre.

Moi, je rêve ! écoutant le cyprès soupirer
Autour des croix d’ébène,
Et murmurer le fleuve et la cloche pleurer
Dans un coin de la plaine,

Recueillant le cri sourd de l’oiseau qui s’enfuit,
Du char traînant la gerbe
Et la plainte qui sort des roseaux, et le bruit
Que fait la touffe d’herbe,

Prêtant l’oreille aux flots qui ne peuvent dormir,
A l’air dans la nuée,
J’erre sur les hauts lieux d’ou l’on entend gémir
Toute chose crée !