C’est toi qui, sur le sombre abîme,
Dresses le colosse sublime
Qui prend le phare dans sa main.
Lorsqu’à tes yeux une pensée
Sous les traits d’un grand homme a lui,
Tu la fais marbre, elle est fixée,
Et les peuples disent : C’est lui !
Mais avant d’être pour la foule,
Longtemps dans ta tête elle roule
Comme une flamboyante houle
Au fond du volcan souterrain ;
Loin du grand jour qui la réclame
Tu la fais bouillir dans ton âme :
Ainsi de ses langues de flamme
Le feu saisit l’urne d’airain.
Va ! que nos villes soient remplies
De tes colosses radieux !
Qu’à jamais tu te multiplies
Dans un peuple de demi-dieux !
Fais de nos cités des Corinthes !
Oh ! ta pensée a des étreintes
Dont l’airain garde les empreintes,
Dont le granit s’enorgueillit !
Honneur au sol que ton pied foule !
Un métal dans tes veines coule ;
Ta tête ardente est un grand moule
D’où l’idée en bronze jaillit !
Bonaparte eût voulu renaître
De marbre et géant sous ta main ;
Cromwell, son aïeul et son maître,
T’eût livré son front surhumain ;
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