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IX

PENDANT QUE LA FENÊTRE ÉTAIT OUVERTE.




Poëte, ta fenêtre était ouverte au vent,
Quand celle à qui tout bas ton cœur parle souvent
Sur ton fauteuil posait sa tête :
« Oh ! disait-elle, ami, ne vous y fiez pas !
Parce que maintenant, attachée à vos pas,
Ma vie à votre ombre s’arrête ;

« Parce que mon regard est fixé sur vos yeux ;
Parce que je n’ai plus de sourire joyeux
Que pour votre grave sourire ;
Parce que, de l’amour me faisant un linceul,
Je vous offre mon cœur comme un livre où vous seul
Avez encor le droit d’écrire ;

« Il n’est pas dit qu’enfin je n’aurai pas un jour
La curiosité de troubler votre amour
Et d’alarmer votre œil sévère,
Et l’inquiet caprice et le désir moqueur
De renverser soudain la paix de votre cœur
Comme un enfant renverse un verre !

« Hommes, vous voulez tous qu’une femme ait longtemps
Des fiertés, des hauteurs, puis vous êtes contents,
Dans votre orgueil que rien ne brise,
Quand, aux feux de l’amour qui rayonne sur nous,
Pareille à ces fruits verts que le soleil fait doux,
La hautaine devient soumise !

« Aimez-moi d’être ainsi ! – Ces hommes, ô mon roi,
Que vous voyez passer si froids autour de moi,
Empressés près des autres femmes,