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Fait chanter en avant des sombres légions
Les clairons aux bouches de cuivre !

Ô rois, pour vous la guerre et pour nous le plaisir !
Vous vivez par l’orgueil et nous par le désir.
Nous avons tous notre part d’âmes.
Nous avons, les uns craints et les autres aimés,
Vous les empires, nous les boudoirs parfumés,
Vous les homme, et nous les femmes.

Prêtres, mages, docteurs, savants, nous font pitié !
Pauvres songeurs qui vont expliquant à moitié
L’ombre dont l’Eternel se voile,
Tantôt lisant un livre et hués des valets,
Tantôt assis la nuit sur le toit des palais,
Épelant d’étoile en étoile !

Fous qui cherchent un centre au globe obscur du ciel !
Nous, rions ! ─ Il n’est rien ici-bas de réel
Que ce que tient la main de l’homme.
Donnons leur saint bonheur pour les plaisirs maudits,
Pour une Eve au front pur leur vague paradis,
Et leur sphère pour une pomme !

Qu’est-ce que la science à côté de l’amour ?
L’hiver donne la neige et le soleil le jour.
Aimons ! chantons ! trêve aux paroles !
Préférons, puisque enfin, nos cœurs flambent encor,
Aux discours larmoyants le choc des coupes d’or,
Aux vieux sages les belles folles !

Nature, nous buvons aux flots que tu répands !
Toujours nous nos hâtons de jouir aux dépens
Du penseur prudent qui diffère.
Nous ne songeons, prenant les biens sans les choisir,
Qu’à dissoudre ici-bas toute chose en plaisir.
Quant à Dieu, nous le laissons faire ! "