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V

NAPOLÉON II.



I


Mil huit cent onze ! — Ô temps où des peuples sans nombre
Attendaient prosternés sous un nuage sombre
Que le ciel eût dit oui !
Sentaient trembler sous eux les états centenaires,
Et regardaient le Louvre entouré de tonnerres,
Comme un mont Sinaï !

Courbés comme un cheval qui sent venir son maître,
Ils se disaient entre eux : — Quelqu’un de grand va naître !
L’immense empire attend un héritier demain.
Qu’est-ce que le Seigneur va donner à cet homme
Qui, plus grand que César, plus grand même que Rome,
Absorbe dans son sort le sort du genre humain ? —

Comme ils parlaient, la nue éclatante et profonde
S’entr’ouvrit, et l’on vit se dresser sur le monde
L’homme prédestiné,
Et les peuples béants ne purent que se taire,
Car ses deux bras levés présentaient à la terre
Un enfant nouveau-né.

Au souffle de l’enfant, dôme des Invalides,
Les drapeaux prisonniers sous tes voûtes splendides
Frémirent, comme au vent frémissent les épis ;
Et son cri, ce doux cri qu’une nourrice apaise,
Fit, nous l’avons tous vu, bondir et hurler d’aise
Les canons monstrueux à ta porte accroupis !