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Les peuples ont leur lendemain.
Pour rendre leur route douteuse
Suffit-il qu’une main honteuse
Change l’écriteau du chemin ?

« La parole éclate et foudroie
Tous les obstacles imprudents ;
Vérité, tu sais comme on broie
Tous les bâillons entre ses dents ;
Un roi peut te fermer son Louvre ;
Ta flamme importune, on la couvre,
On la fait éteindre aux valets ;
Mais elle brûle qui la touche !
Mais on ne ferme pas ta bouche
Comme la porte d’un palais !

« Quoi ! ce que le temps nous amène,
Quoi ! ce que nos pères ont fait,
Ce travail de la race humaine,
Ils nous prendraient tout en effet !
Quoi ! les lois ! la Charte ! chimère !
Comme un édifice éphémère
Nous verrions, en un jour d’été,
Crouler sous leurs mains acharnées
Ton œuvre de quarante années,
Laborieuse liberté !

« C’est donc pour eux que les épées
Ont relui du nord au midi !
Pour eux que les têtes coupées
Sur les pavés ont rebondi !
C’est pour ces tyrans satellites
Que nos pères, braves élites,
Ont dépassé grecs et romains !
Que tant de villes sont désertes !
Que tant de plaines, jadis vertes,
Sont blanches d’ossements humains !