Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/797

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

NOTES DE L’ÉDITEUR.




I

HISTORIQUE DES ORIENTALES.

Pourquoi les Orientales ? Victor Hugo le dit dans sa préface :

C’est une idée qui lui a pris d’une façon assez ridicule, l’été passé, en allant voir coucher le soleil.

Le fait est que, demeurant rue Notre-Dame-des-Champs, il n’avait alors qu’un court trajet à faire pour se trouver dans les plaines de Vanves et de Montrouge ; il s’arrêtait, avec quelques amis, à la Butte au Moulin, et là il contemplait de magnifiques couchers de soleil ; il en a décrit plusieurs qui ont paru en 1831 dans les Feuilles d’automne.

Nous retrouvons, sur une grande feuille de papier blanc pareil à celui employé pour Cromwell, ce titre : Les Algériennes. Peut-être alors le poète n’avait-il entrevu que la description de ces beaux nuages dorés, cuivrés, qu’il avait sous les yeux et que son imagination situait dans un ciel plus ardent et dans un pays plus pittoresque ; puis les événements, la mort annoncée de Canaris, les massacres des Grecs, la bataille de Navarin lui ont fourni de nouveaux éléments, les Algériennes sont devenues les Orientales et voilà Victor Hugo devinant, décrivant, ressuscitant cet Orient qu’il n’avait jamais vu.

Cette découverte de l’Orient dans les plaines de Montrouge n’est cependant pas si étrange qu’on le croit. Un grand poète, Leconte de Lisle, né sous un ciel resplendissant, dans un pays merveilleusement beau, et qui avait eu, tout jeune, sous les yeux des végétations extraordinaires, la mer, le ciel bleu, un soleil enveloppant de toute la gamme de ses couleurs des sites à demi sauvages, des nuits calmes, limpides, superbement étoilées, déclare pourtant n’avoir compris la poésie de la nature et les beautés de son pays qu’après avoir lu les Orientales.

Les descriptions de Victor Hugo, qui n’avait jamais vu l’Orient, ouvrent les yeux d’un jeune créole aux splendeurs de la lumière où il baignait réellement et aux magnificences de la nature qui l’entourait… Telles sont les divinations du génie et tels les prestiges de la littérature.

Voilà ce que M. René Doumic explique dans un article de la Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1909 intitulé : Les derniers travaux sur Leconte de Lisle.

L’œuvre achevée, publiée, Victor Hugo pense encore à ses Orientales.

Ses premiers voyages datent de 1834 ; dans les lettres qu’il envoyait à sa femme et à ses enfants, il s’exerce à dessiner afin de leur donner une idée des clochers, des maisons curieuses qu’il voit ; en 1837, bien que la Belgique ne puisse en rien évoquer l’Orient, il « verra », il dessinera, aidé par sa seule imagination, ces « blancs minarets », cette Mecque qu’il n’a jamais vus ; devant les marches du temple il agenouillera et prosternera, les bras au ciel, deux mahométans en prière. On trouvera, en feuilletant l’album de gravures, deux de ces dessins dont la