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XVI

LA BATAILLE PERDUE.


Sur la plus haute colline
Il monte, et, sa javeline
Soutenant ses membres lourds,
Il voit son armée en fuite
Et de sa tente détruite
Pendre en lambeaux le velours.
Em. Deschamps. Rodrigue pendant la bataille.


« Allah ! qui me rendra ma formidable armée,
Émirs, cavalerie au carnage animée,
Et ma tente, et mon camp, éblouissant à voir,
Qui la nuit allumait tant de feux, qu’à leur nombre
On eût dit que le ciel sur la colline sombre

Laissait ses étoiles pleuvoir ?


« Qui me rendra mes beys aux flottantes pelisses ?
Mes fiers timariots, turbulentes milices ?
Mes khans bariolés ? mes rapides spahis ?
Et mes bédouins hâlés, venus des Pyramides,
Qui riaient d’effrayer les laboureurs timides,
Et poussaient leurs chevaux par les champs de maïs ?

« Tous ces chevaux, à l’œil de flamme, aux jambes grêles,
Qui volaient dans les blés comme des sauterelles,
Quoi, je ne verrai plus, franchissant les sillons,
Leurs troupes, par la mort en vain diminuées,
Sur les carrés pesants s’abattant par nuées,

Couvrir d’éclairs les bataillons !


« Ils sont morts ; dans le sang traînent leurs belles housses ;
Le sang souille et noircit leur croupe aux taches rousses ;