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Le rang plus glorieux dont il s’est rendu digne.
Mon tour vient : je dispense, en mon dernier coup d’oeil,
Le blâme avec regret, l’éloge avec orgueil.

On se lève... entends-tu la crécelle sonore
À de nouveaux combats les appeler encore ?
Regarde. Ils vont s’apprendre, en d’aimables leçons,
Ces signes variés qui peignent tous les sons.
Au milieu d’eux se place, en sa chaire mobile,
Leur Aristarque, armé de son sceptre fragile ;
Vois-les, près d’un tableau, sans dégoûts, sans ennuis,
Corrigés l’un par l’autre, et l’un par l’autre instruits ;
Vois de quel air chacun, bouillant d’impatience,
Quand son rival s’égare, étale sa science ;
Ce soir il s’ornera d’un ruban bien acquis,
Et son regard dira : c’est moi qui l’ai conquis.

  Êtres intéressants, meilleurs que nous ne sommes,
Enfants, pourquoi faut-il que vous deveniez hommes ?
Pourquoi faut-il qu’un jour vous soyez, comme nous,
Esclaves ou tyrans, enviés ou jaloux ?

  Vous qui, les yeux fixés sur un gros caractère,
L’imitez vainement sur l’arène légère,
Et voyez chaque fois, malgré vos soins nouveaux,
Le cylindre fatal effacer vos travaux,
Ce triste passe-temps, mes enfants, c’est la vie.
Un jour, vers le bonheur tournant un oeil d’envie, —
Vous ferez comme moi, sur ce modèle heureux,
Bien des projets charmants, bien des plans généreux ;
Et puis viendra le sort dont la main inquiète
Détruira dans un jour votre ébauche imparfaite.
Croissez pourtant, croissez :— que l’ardeur des succès
Vous montre de bonne heure à devenir français.
Enfants, instruisez-vous ; le savoir’ vous honore.
L’art que je vous enseigne est peu de chose encore ;
Mais pour dissiper l’ombre il suffit d’un éclair,
Et le sable grossier peut dérouiller le fer.
Apprenez à penser ; votre noble industrie,
Des dons que je vous fais doit compte à la patrie ;
Ah ! faites-lui puiser, séchant ses pleurs sanglants,
La paix dans vos vertus, la gloire en vos talents.

  Écoutez : autrefois les nations rivales
Disaient : « Dans les beaux arts la France est sans égales ;
»