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Que le sud vomit de ses flancs ;
Mais l’affreux torrent du Ravage,
Entraînant dans son cours l’opprobre et l’esclavage,
A passé sur leurs corps sanglants.

« Écosse, tes guerriers, si longtemps invincibles,
« Sur tes monts envahis ont rencontré la mort ;
« Les restes mutilés de ces vaincus terribles
« Roulent dans les fanges du Nord.
« Pourquoi ce farouche silence,
« Bardes ? Ils ne sont plus ; il n’est plus de vengeance.
« Mais l’heure des chants a sonné [1].
« Ouvrez à ces héros le palais des nuages ;
« Bardes : laisserez-vous se perdre dans les âges
« Leur souvenir abandonné ? »

Sourds à ces clameurs téméraires,
Les Bardes, épars dans les bois,
Laissaient aux vieux lambris des rois
Pendre leurs harpes funéraires.
Sur les rocs de Tremnor affrontant les hivers,
Ils pleuraient les héros, sans chanter leur vaillance ;
Et comme on voit, la nuit, quand l’orage s’avance,
Un calme menaçant précéder les éclairs,
Ils se taisaient : mais leur silence
Était plus beau que leurs concerts.

Cependant s’avançaient les phalanges lointaines[2] ;
La terreur devançait leurs pas :
Les peuples sans défense accouraient vers les plaines,
Et les vieux chefs, brisant leurs armes vaines.
Foulant aux pieds ces dards, trop pesants pour leurs bras.
Cherchaient, libres encor, l’honneur d’un beau trépas.
Et frémissaient au bruit des chaînes.

Mais, franchissant d’Uthal les sommets sourcilleux,
Edouard, secondé de ses lords intrépides,

  1. Tous les guerriers étaient chantés par les Bardes après leur morts, autrement leur nom restait sans gloire, et leur ombre erraient parmi les brouillards du Légo, jusqu’à ce qu’on leur eût payé ce dernier tribut. (Note du manuscrit.)
  2. Cette strophe a été publiée dans le Conservateur littéraire. Elle a été supprimée, en 1822, dans l’édition originale et la strophe suivante modifié ainsi Le Roi vient, entourré de ses chefs intrépides; Et non loin de Dumbar, aux sommets sourcilleux, De la Clyde en courroux domptant les flots rapides, Au front du Lothyan pose un pied orgueilleux.