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LA FÉE ET LA PÉRI.

Comme un pont de nacre, se pose
Sur les cascades de cristal.

Du moresque Alhambra j’ai les frêles portiques ;
J’ai la grotte enchantée aux piliers basaltiques,
Où la mer de Staffa brise un flot inégal ;
Et j’aide le pêcheur, roi des vagues brumeuses,
À bâtir ses huttes fumeuses
Sur les vieux palais de Fingal.

Épouvantant les nuits d’une trompeuse aurore,
Là, souvent à ma voix un rouge météore
Croise en voûte de feu ses gerbes dans les airs ;
Et le chasseur, debout sur la roche pendante,
Croit voir une comète ardente
Baignant ses flammes dans les mers.

Viens, jeune âme, avec moi, de mes sœurs obéie,
Peupler de gais follets la morose abbaye ;
Mes nains et mes géants te suivront à ma voix ;
Viens, troublant de ton cor les monts inaccessibles,
Guider ces meutes invisibles
Qui, la nuit, chassent dans nos bois.

Tu verras les barons, sous leurs tours féodales,
De l’humble pèlerin détachant les sandales ;
Et les sombres créneaux d’écussons décorés ;
Et la dame tout bas priant, pour un beau page,
Quelque mystérieuse image
Peinte sur des vitraux dorés.

C’est nous qui, visitant les gothiques églises.
Ouvrons leur nef sonore au murmure des brises ;
Quand la lune du tremble argente les rameaux,
Le pâtre voit dans l’air, avec des chants mystiques,
Folâtrer nos chœurs fantastiques
Autour du clocher des hameaux.