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l’auteur dirait, pour compléter son idée, qu’il a mis plus de son âme dans les Odes, plus de son imagination dans les Ballades.

Au reste, il n’attache pas à ces classifications plus d’importance qu’elles n’en méritent. Beaucoup de personnes, dont l’opinion est grave, ont dit que ses Odes n’étaient pas des odes ; soit. Beaucoup d’autres diront sans doute, avec non moins de raison, que ses Ballades ne sont pas des ballades ; passe encore. Qu’on leur donne tel autre titre qu’on voudra ; l’auteur y souscrit d’avance.

À cette occasion, mais en laissant absolument de côté ses propres ouvrages, si imparfaits et si incomplets, il hasardera quelques réflexions.

On entend tous les jours, à propos de productions littéraires, parler de la dignité de tel genre, des convenances de tel autre, des limites de celui-ci, des latitudes de celui-là ; la tragédie interdit ce que le roman permet ; la chanson tolère ce que l’ode défend, etc. L’auteur de ce livre a le malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n’y voit que des mots ; il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai est beau et vrai partout ; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène ; que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe ; qu’enfin et toujours la seule distinction véritable dans les œuvres de l’esprit est celle du bon et du mauvais. La pensée est une terre vierge et féconde dont les productions veulent croître librement, et, pour ainsi dire, au hasard, sans se classer, sans s’aligner en plates-bandes comme les bouquets dans un jardin classique de Le Nôtre, ou comme les fleurs du langage dans un traité de rhétorique.

Il ne faut pas croire pourtant que cette liberté doive produire le désordre ; bien au contraire. Développons notre idée. Comparez un moment au jardin royal de Versailles, bien