ODE QUATORZIÈME.
ÉPITAPHE.
Jeune ou vieux, imprudent ou sage,
Toi qui, de cieux en cieux errant comme un nuage,
Suis l’instinct d’un plaisir ou l’appel d’un besoin,
Voyageur, où vas-tu si loin ? —
N’est-ce donc pas ici le but de ton voyage ?
La Mort, qui partout pose un pied victorieux,
À couvert mes splendeurs d’ombres expiatoires.
Mon nom même a subi son voile injurieux ;
Et le morne oubli cache à ton œil curieux
S’il est dans mon néant quelqu’une de tes gloires.
Passant, comme toi j’ai passé.
Le fleuve est revenu se perdre dans sa source.
Fais silence ; assieds-toi sur ce marbre brisé.
Pose un instant le poids qui fatigue ta course ;
J’eus de même un fardeau qu’ici j’ai déposé.
Si tu veux du repos, si tu cherches de l’ombre,
Ta couche est prête, accours ! loin du bruit on y dort.
Si ton fragile esquif lutte sur la mer sombre,
Viens, c’est ici l’écueil ; viens, c’est ici le port !
Ne sens-tu rien ici dont tressaille ton âme ?
Rien qui borne tes pas d’un cercle impérieux ?