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ODES ET BALLADES.


ODE SEPTIÈME

LA FILLE D’O-TAÏTI


Écoutez la jeune fiancée qui pleure, elle pleure parce qu’elle est délaissée.
Ballade d’Arven.


Que fait-il donc, celui que sa douleur attend ?
Sans doute il n’aime pas, celui qu’elle aime tant.

Alfred de Vigny. Dolorida[1]


« Oh ! dis-moi, tu veux fuir ? et la voile inconstante
Va bientôt de ces bords t’enlever à mes yeux ?
Cette nuit j’entendais, trompant ma douce attente,
Chanter les matelots qui repliaient leur tente.
Je pleurais à leurs cris joyeux.

« Pourquoi quitter notre île ? En ton île étrangère,
Les cieux sont-ils plus beaux ? a-t-on moins de douleurs ?
Les tiens, quand tu mourras, pleureront-ils leur frère ?
Couvriront-ils tes os du plane funéraire
Dont on ne cueille pas les fleurs ?

« Te souvient-il du jour où les vents salutaires
T’amenèrent vers nous pour la première fois ?
Tu m’appelas de loin sous nos bois solitaires,
Je ne t’avais point vu jusqu’alors sur nos terres,
Et pourtant je vins à ta voix.

  1. Cette épigraphe a remplacé, à partir de 1828, celle de l’édition originale (Note de l’éditeur.)